Dessiner des gens tout nus? 7/10
La séance de modèle vivant fait fantasmer (en dehors des pratiquants). Qu’en est-il ? Avec les dessins de ma dernière séance.
Séance de nu, fantasme ? Voici le programme de cette publication :
L’atelier
L’intention
Le cadre
Le modèle
Une séance type
Ma dernière séance
Cet article comporte beaucoup de photos, je vous conseille de le lire dans votre navigateur ou dans l’application pour plus de confort.
J’espère que cet article rassurera les frileux, qu’il incitera les plus motivés à tenter une séance. N’hésitez pas à appeler le professeur qui animera la séance pour lui poser vos questions. Et surtout, ne vous contentez pas d’une séance! Il faut bien une séance hebdomadaire pendant au moins 3 mois pour progresser.
Je vous racontais la Nuit du Dessin ici : dessiner des modèles vivants au musée, un bonheur!

L’atelier :
Je me suis inscrite auprès de l’atelier Moon créative à l’atelier des Citernes près de la gare de Bordeaux. Un atelier modèle vivant est proposé régulièrement. Chacun vient avec son matériel pour dessiner le modèle. Techniques sans séchage conseillées.
Une estrade (souvent avec des coussins, un matelas ou des draps) et des projecteurs, un chauffage d’appoint, sont le centre de l’attention.
Des “places” entourent l’estrade : des sièges ou des chevalets.
Un paravent permet au modèle de se déshabiller.
Ce ne sont clairement pas mes dessins les plus réussis, ni la séance de modèle vivant dont je suis la plus fière. Mais ici, on montre aussi les ratés. Cela fait partie du processus.
L’intention :
Dessiner des gens tout nus, c’est travailler sur l’anatomie humaine sans obstacle visuel. Cela développe le sens de l’observation, le lien entre l’œil et la main. Pour moi, il y a une énergie toute particulière dans ces séances, un défi qui me stimule : “attraper” la pose, repérer ses aplombs, ses appuis, des espaces négatifs. Représenter un corps reconnaissable et unique, une manière d’occuper l’espace et de vivre la gravité propre à chaque modèle est ce qui me motive ici.
Le cadre :
On vient pour dessiner : le voyeurisme n’a pas sa place. D’ailleurs, lors d’une journée portes ouvertes aux Beaux-Arts de Bordeaux, on a eu le cas : le voyeur n’avait pas apporté de matériel, il ne dessinait pas, il a été très vite mis dehors. C’est la première fois que je voyais cela.
Les poses sont “chronométrées”, des pauses sont prévues, les positions changent régulièrement. Un bon modèle alterne les poses debout, assises et allongées, voire en mouvement lent.
Tout est fait pour respecter l’intimité du modèle et lui faciliter la tenue des poses.
Les nombres écrits en bas de chaque dessin correspond à la durée de la pose; je n’ai pas eu le temps de le noter à chaque fois.
Le modèle :
Les modèles sont déclarés et leur statut les protège des abus. Ce sont souvent des athlètes issus des ballets ou de différences disciplines sportives. Ils travaillent avec un contrat de prestation avec la structure qui accueille l’atelier.
Poser demande une grande endurance, un répertoire de poses, parfois des accessoires (vêtements, bâtons pour s’appuyer, supports divers…) La durée de la pose est décidée par l’animateur de l’atelier, le professeur.
Tous les corps sont intéressants, la variété est appréciée : je me souviens avoir dessiné une magnifique femme (très) enceinte (je l’ai eue de dos la plupart du temps, j’ai découvert "le “polichinelle dans le tiroir” pourtant difficile à rater lors de la dernière pose).
Cela demande au modèle de la patience, une riche vie intérieure. Certains modèles considèrent ces sessions comme des méditations, d’autres comme un moyen de se réconcilier avec leur corps ou leur image. Un bon modèle a un riche répertoire de poses.
Cette pose était vraiment sympa et c’est une de celles que j’ai le mieux réussies ce soir-là.
Les dessinateurs :
Tous les niveaux sont possibles dans une même séance. Les dessinateurs entourent le modèle, on peut la plupart du temps choisir son angle de vue à condition de ne pas gêner les autres dessinateurs. Ils sont focalisés sur leur dessin. On oublie très vite qu’il s’agit d’une personne (et c’est mieux comme cela, on cesse de se dire que le modèle va être fâché de sa représentation). Pour ma part, l’humanité de mon sujet réapparaît quand j’en suis aux pieds : c’est plus fort que moi, j’ai l’impression que mon crayon lui chatouille les orteils.
Je crois que c’est un des exercices où les petites voix peuvent être les plus paralysantes. Il est urgent de les remplacer par des “la verticale est là”, “le coude est au-dessus de la hanche”, “ah oui, il faut que je rectifie cette forme négative”.
Ce dessin est assez sommaire mais la pose bien rendue.
Une séance type :
La plupart des séances se passent ainsi :
Le modèle arrive, va se changer derrière le paravent, sort avec son peignoir et se place sur l’estrade. Il ôte son peignoir. Je rappelle que la nudité n’est pas systématique. Cela dépend de la demande du professeur.
Le modèle prend la pose. Habituellement, les premières poses sont brèves et s’allongent progressivement. Cela permet au modèle des poses un peu plus acrobatiques ou contorsionnées.
Les poses rapides peuvent aller jusqu’à 10 minutes, les pauses longues jusqu’à une ou deux heure. Si la pose doit être reprise après la pause, des marques à la craie ou au scotch sont faites pour retrouver l’écart des membres au sol.
Dans un bon cours, le professeur passe derrière chaque étudiant et peut faire une remarque, proposer une correction, parfois retouche le dessin (à fuir)! C’est de moins en moins vrai, et cela me désole, car le regard critique d’un professeur permet de progresser plus vite et plus juste.
Aux Beaux-arts, dans les années 90, à la pause et à la fin du cours, on mettait les chevalets dos à l’estrade et on faisait le tour des travaux des camarades. Puis le professeur faisait à son tour la revue et commentait les réussites et les erreurs de chacun. On apprenait beaucoup des erreurs des autres, et on les évitait plus facilement.
Ma dernière séance :
Voici les dessins réalisés à l’atelier Moon creative : Cela faisait des années que je n’avais pas eu l’occasion de faire du modèle vivant. J’étais très enrhumée et franchement pas au mieux de ma concentration.
L’atelier était assez mal éclairé, mais on a fini par avoir une lampe d’appoint (je m’étais mise près de la fenêtre pour la lumière et la fraicheur, mais les volets ont été fermés pour préserver le modèle).
L’animateur a inversé le chrono : il a préféré commencer par des pauses un peu longues : 10 minutes, puis réduire le temps. Pas convaincue de l’intérêt pédagogique. J’avais envie de tester plusieurs média, mais finalement, le fusain et la craie blanche, c’est le plus simple quand ça va vite. Par contre, avoir plusieurs blocs de dessin pour faire sécher et alterner entre les poses, c’est bien.
Comme d’habitude, le torse est trop long.
J’aime ce dessin assez sommaire qui rend plutôt bien la pause et donne du dynamisme.
Dessin inachevé mais j’aime l’harmonie des couleurs, les lumières et la torsion.
Wow. I honestly had no clue so much goes behind these sessions. Thankyou for so generously sharing